La « Limonade Suisse » se boit dans tout le Brésil. Elle n’a rien d'helvétique, mais c'est rafraîchissement, doux et acidulé... comme ce blog, je l'espère.

A « Limonada suíça » encontra-se no Brasil todo. Não tem nada de suíço, mas é refrescante, doce e acidulada... como esse blog, espero.

Libellés

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28/06/2011

Derrière la porte de la cuisine

Parler de plats recherchés ou d'expériences culinaires c'est bien, mais il faut aussi évoquer les grands moments de détresse cuisinières. Attention, on ne vous dit pas tout. 

Derrière les plus beaux libellés de recettes, les brillantes démonstrations dans des émissions culinaires sophistiquées à la télévision, à la lecture des livres de gastronomies régionales, dans les conseils sur internet et les biographies de chefs célèbres, mais aussi à l’écoute des recommandations avisées de vos amis, il est bien rare que l’on vous parle de ces moments d’intense désarroi, pourtant inévitables tant pour le cuisinier amateur que pour le chef reconnu. Dernièrement Claude Troisgros, fils de Pierre Troisgros de Roanne, et responsable d’une des plus estimées émissions de cuisine brésilienne à la télévision, en avouant son erreur, a balancé à la poubelle avec un grand sourire et d’un geste sans appel, sa planche de raviolis dont la triste mine trahissait un échec certain à toute cuisson future. Louons cette honnêteté, car il aurait pu couper la scène... Par ailleurs, très bonne émission où il propose des recettes traditionnelles adaptée aux produits brésiliens. C'est différent, délicieux et présenté avec une bonne humeur communicative.

Claude Troisgros

N’oubliez jamais que tout cuisinier, aussi célèbre qu’il puisse être, pique des colères épicées, essuie de cuisants échecs et se trouve parfois dans un sacré bouillon. Non, il n’y a pas que vous qui pestez devant vos casseroles, et si l’expression coup de feu à la cuisine existe, c’est que dans toute la hiérarchie de la brigade , chaque échelon est confronté à des moments de nerfs.

Le Festin de Babette, 1987... Inoubliable

Premièrement il y a les avatars indépendants de votre volonté. La panne d’électricité ou la bonbonne de gaz qui s’essouffle et éteint votre four, au moment où vous êtes absenté quelques minutes de la cuisine. Il y a les deux derniers œufs qui, dès le bris de la coquille, affichent une mine aussi triste que l’odeur qui s’en dégage, l’absence irrémédiable de l’ingrédient indispensable à la recette, que vous étiez pourtant certain d’avoir en suffisance dans le frigo, le téléphone important mais importun auquel vous répondez par réflexe au moment où la viande ne demande qu’à être surprise (elle!) dans la poêle fumante, enfin tous ces événements qui tentent d’épuiser votre volonté de mener à bien le pas-à-pas de la préparation du plat projeté et de briser l'élan indispensable à un résultat goûteux. Même le plus averti des marmitons se laisse surprendre par ce genre d'impondérables, malgré un évident talent d’organisation ou une parfaite maitrise de l’estimation des risques. 

Ensuite il y a les erreurs, comme cela s'écrit dans les quotidiens: D'après les premiers éléments de l'enquête, l'accident serait dû à une défaillance humaine! Soyons honnêtes, parfois on rate piteusement le plat pour lequel pourtant on s'était tant appliqué: Mauvaise lecture de la balance, four trop chaud, étourderie etc. J’ai dernièrement servi des frittes dont la seule vision aurait certainement provoqué une syncope à ma nutritionniste.

Bourvil et Fernandel dans La Cuisine au beurre, 1963

Il y a aussi les péripéties dues à un excès d’optimisme ou de vanité. Vous devez éviter à tout prix que vos invités, mêmes intimes, ne pénètrent dans la cuisine avant que le repas ne soit servi à table ou, si vous disposez d’une cuisine ouverte, de les laisser franchir votre zone de sécurité. Non, vous n’avez rien à prouver ! Renoncez à montrer devant quiconque votre habileté à retourner le roesti ou la crêpe, car personne ne tient à vous entendre proférer des noms d'oiseaux au moment de l’atterrissage de la dite crêpe en direction du sol carrelé. Ne détruisez pas votre réputation de cordon bleu en montrant à votre meilleure amie votre visage s’empourprer quand vous saupoudrez généreusement la viande de sucre au lieu du sel, puis que vous l’essuyez lamentablement avec un papier absorbant, concentré que vous étiez à lui expliquer comment résoudre ses problèmes de couple. 

Louis de Funès dans L'aile ou la Cuisse, 1976

Même le plus amoureux des conjoints qui pose une question, en toute bonne foi, peut être source de stress au moment crucial : « T’es sûr que tu ne mets pas trop de sel mon chéri ? » ou « Moi j’utilise plutôt le grand couteau » ! Si vous n’êtes pas seul face au fourneau, demandez humblement que l’autre ne soit qu’une aide silencieuse et soumise, car des questions, vous vous en posez déjà assez vous-même ! Et si c’est vous qui assistez ou prêtez la main, gardez vos remarques et surtout cachez votre surprise quand vous constatez quelque chose qui vous semble anormal: ça fait peut être partie de l'originalité du plat... sauf si la friteuse prend feu, bien évidemment.

Maryl Streep dans Julie et Julia, 2009

Un conseil : Faites vos essais de nouvelles recettes dans l’intimité, pas pour vos invités : Ils vous en sauront gré. Et si vous êtes nerveux, stressé ou en retard, cuisinez quelque chose de simple, de vite fait et que vous préparez depuis des années... et surtout fermez la porte de la cuisine.

Enfin, quand on vous demande gentiment la marche à suivre du plat que vous venez de faire déguster, n’omettez rien, mentionnez tous les produits, donnez des détails,  parlez de vos expériences, bonnes et mauvaises, des difficultés... ou alors vous avez décidé de vous brouiller avec le demandeur, et là tous les coups sont permis. Je fais confiance à votre imagination ! 

Le dernier film culinaire auquel j'ai assisté et que j'ai adoré, c'est Julie et Julia, avec la toujours excellente Maryl Streep. La bande annonce en cliquant ici.