La « Limonade Suisse » se boit dans tout le Brésil. Elle n’a rien d'helvétique, mais c'est rafraîchissement, doux et acidulé... comme ce blog, je l'espère.

A « Limonada suíça » encontra-se no Brasil todo. Não tem nada de suíço, mas é refrescante, doce e acidulada... como esse blog, espero.

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13/06/2011

Pref Mag, la fin d’un magazine gay intelligent

La disparition d’une revue qu’on lit et apprécie depuis des années, c'est triste et un peu déroutant. PREFMAG, Le magazine gay insolent & différent, a annoncé son dépôt de bilan après 7 ans et 42 numéros. Cette revue n’aura pas résisté à la baisse des recettes publicitaires due à la crise. C’est une page qui se tourne.

Préférence n° 2, 2004

La presse francophone destinée à des lecteurs sensibles aux minorités sexuelles, a beaucoup évolué au cours de ces 30 dernières années, à l’image de la visibilité de ces minorités dans la société. Il semble maintenant plus facile d’être gay et de ne pas le cacher, en tous les cas dans les villes. La possibilité légale d’union de deux personnes du même sexe dans de nombreux pays atteste d’une évolution reconnaissance. Dans les médias le sujet homosexualité ou trans-sexualité ne sont plus occultés. La mode influencée par la proportion élevée de gay parmi les stylistes et attirée par le potentiel commercial de cette communauté, a intégré la façon créative et de bon goût de s’habiller et de prendre soin de soi des homosexuels et l’a généralisée, en créant le métrosexuel, au point que les jeunes branchés apparaissent maintenant comme seuls les gays étaient habillés auparavant.

Métrosexuel


Cette évolution ne doit cependant pas cacher une réalité moins optimiste. Être attiré par quelqu’un du même sexe est encore hors la loi et même passible de la peine capitale dans beaucoup de pays. Si en occident l’homophobie peut sembler en baisse, plus particulièrement dans les grandes métropoles, elle n'a guère diminué en milieu rural et reste forte dans une bonne partie de la planète. Le Brésil par exemple, généralement les gays s’assument, le nombre de crimes homophobes est un des plus élevé au monde, et la recherche des coupables par la police frappe par une inquiétante mollesse .

Gayparade à São Paulo 2008, 2,5 millions de personnes

Jusque à la fin des années 70 il n’existait pour les homosexuels que de piètres journaux, vilains et uniquement centré sur la pornographie, mais aucune revue de qualité, de contenu intelligent et varié, traitant de sujets de société ou spécifiques aux minorités sexuelles. Il faut dire que jusqu’à ces années-là le sujet homosexuel était tabou. À l’école on apprenait que Jean Genet était misogyne. A entendre les professeurs, Michel-Ange n’avait aucun attrait pour autre chose que les beaux-arts, Jean Marais et Cocteau ne parlaient que d’art, et le couple Verlaine Rimbaud était lié par un sentiment purement poétique.

Michel-Ange, La création d'Adam

Ensuite les changements ont été marquants, également au niveau de la presse. La liberté sexuelle entamée dans les années 70, et l’arrivée du sida ont montrés la nécessité de créer des revues de qualité traitant de tous les sujets de société et soulignant que l’homosexualité n’est pas qu’une question de chair et d’hormones, mais bien une culture, avec des préoccupations spécifiques, et une façon de vivre d’une partie de la population. Plusieurs revues ont alors vu le jour à travers le monde, résistant plus ou moins au temps qui passe.  

Préférence devenue ensuite PrefMag était l’une d’entre elles, et à mon sens parmi les mieux faites que j’aie eu l’occasion de lire, en français ou dans d’autres langues. Mais de nos jours, la survie d’un journal, quelle que soit son orientation, est bien compliquée. Partout ne subsistent, à peu de choses près, que des grands groupes de presse, souvent sous l'emprise du pouvoir politique et financier. Ce n’est bon ni pour la liberté d’expression, ni pour la démocratie.


PREFMAG n° 42, 2011

Que tous les collaborateurs de PREF soient remerciés pour ce qu’ils ont apportés à leurs lecteurs pendant sept années. Je souhaite que chacun d’entre eux puisse continuer à s’exprimer dans un autre journal ou sur un autre support, car il y a encore tellement de choses à dire et à écrire.